Knowledge is a deadly friend when no one sets the rules. The fate of all mankind I see is in the hands of fools. King Crimson - Epitaph (1969)

Lettre à mon très cher confinement

Écrit par Paul Renard. Publié dans Humeurs du moment

 

Très cher Confinement, très cher ami,

Je prends ici la plume pour te remercier du fond du coeur ! Oui : te remercier avec ferveur et sincérité. Te remercier pour m'avoir offert presque deux mois de pur bonheur, deux mois de calme, de silence, de paix.

Car si j'excepte le cassos rasta, mon voisin, avec ses deux clébards débiles qui n'ont rien de mieux à faire qu'aboyer à l'envi dès qu'on les sort pour pisser, et l'abruti qui n'a cessé de rouler à fond la caisse chaque jour, avec sa bécane pétaradante dans les rues désertées, compensant sans doute la petitesse du petit bout de viande molle qui pendouille entre ses jambes par la puissance virile des pistons de son moulin,... à moins qu'il ne cherche à remplir le vide de sa triste vie avec du bruit, histoire de montrer qu'il existe ! Oui, si j'excepte ces deux-là, j'ai grâce à toi, mon très cher Confinement, presque touché le Nirvana ! Oui, oui, le sublime Nirvana !!

Plus de marmot hurlant dès que leur pondeuse leur refuse un caprice, plus de bagnoles, plus de piétons baladant leur appendice téléphonique à bout de bras en gueulant, persuadés qu'étant loin de leur interlocuteur, il convient de hurler pour se faire entendre, plus de discussions stériles autant qu'interminables devant mes fenêtres...

Dès le petit matin, le chant des oiseaux a remplacé le boucan des engins de nettoyage, pour laisser place ensuite au silence bienfaiteur, à peine interrompu par quelques sirènes de police ou le "t'es foutu", hymne des ambulances !

Las ! Le 11 mai, tu t'en es allé... Le chant des oiseaux a été remplacé par les "bip-bip" lancinants des engins de chantier en marche arrière, des camions, des bagnoles, j'en passe et des pires. La vie reprend son cours, a t'on pu entendre dans les médias à grand renfort de reportages insipides et sans intérêt. Et cela n'était le début, car le 2 juin,... Mais tu connais bien sur la suite : le retour dit "à la normale". Comme s'il était normal de vivre dans la précipitation, le stress, le boucan infernal des villes. Tiens, aujourd'hui, c'est le retour des mariages et celui des cortèges, avec leurs concerts de klaxons. Quel besoin ont-ils d'emmerder le monde pour célébrer une union qui se terminera, plus d'une fois sur deux, par un divorce tôt ou tard ?

Ah ! Mon très cher Confinement, comme tu vas me manquer désormais. Je t'embrasse !