Knowledge is a deadly friend when no one sets the rules. The fate of all mankind I see is in the hands of fools. King Crimson - Epitaph (1969)

Le coût du travail

Écrit par Paul Renard. Publié dans Humeurs du moment

On nous rebat les oreilles à longueur de JT avec cette notion : "le coût du travail". Or, s'il est une notion stupide, c'est bien celle-là !

 

En elle-même, la notion de "coût du travail" induit qu'il s'agit d'une charge – dont on aimerait forcément bien se passer – alors qu'il n'en est évidemment rien, pour la simple raison que c'est bien le travail qui permet aux entreprises de produire, et donc de réaliser un bénéfice entre la matière première qu'elles achètent, que les salariés transforment, et qu'elles vendent ensuite. D'ailleurs en comptabilité on ne parle jamais de "coût de revient", mais bien de "prix de revient".

Voilà pourquoi, en matière de travail, au lieu de "coût", il convient de parler de "prix". Car le travail n'est rien d'autre que le "prix" demandé par les salariés pour la location de leur temps.

Alors, vous allez me dire : il joue sur les mots ; "prix" ou "coût", cela revient même ! Eh bien justement non. Personne n'ira reprocher à une entreprise de négocier ses prix d'achat ou ses prix de vente. Alors pourquoi les salariés n'auraient-ils pas le droit d'en faire autant ? Et de négocier le prix de leur prestation ?

Nous vivons dans un monde loufoque où, de plus en plus, on tente d'opposer des forces. On obtient ainsi des raisonnements complètement faux se concluant tous par ceci : si ça ne marche pas, c'est de la faute des autres. Dans le temps – et encore de nos jours d'ailleurs –, on disait : "si il y a du chômage, c'est la faute aux étrangers". Aujourd'hui, "c'est la faute au coût du travail", "notre pays manque de compétitivité", "les entreprises sont écrasées par les charges", etc. Certes, il existe – hélas – des pays où les travailleurs n'ont pas le pouvoir de négocier au juste prix leur temps de travail, pour le plus grand profit des prédateurs qui leur servent de patrons. C'est une donnée incontournable. Mais il serait néanmoins grand temps que les entrepreneurs considèrent que ce sont bien leurs salariés qui, au final, vont acheter leurs produits. S'ils n'ont pas assez d'argent pour cela, l'entreprise fermera inéluctablement ses portes ! C'est d'ailleurs un principe de base du capitalisme : la valeur ajoutée accordée aux salariés doit être suffisante pour leur permettre de consacrer l'essentiel de leurs revenus à l'achat des produits issus de la location de leur temps de travail.

Mais bien évidemment, les niveaux démentiels de rentabilité exigés par les boursicoteurs ont pour conséquence la déflation salariale et ceci, malgré les progrès en matière de productivité. Il en va d'ailleurs de même en ce qui concerne la "pression" fiscale. J'ai même entendu un évadé fiscal dire sans rigoler qu'il "s'était sacrifié pour créer son entreprise" : mais, bon sang, personne ne lui a rien demandé ! Les entreprises oublient que ce sont bien les impôts qui leur permettent de bénéficier des infrastructures nécessaires à la diffusion de leurs produits. Que feraient-elles s'il n'y avait pas de routes, de ports ou de réseaux ferroviaires pour transporter leur production ?

Analysons les conséquences de cela :

- Les pays dits émergeants, qui ne s'encombrent pas de ce fameux principe de répartition de la valeur ajoutée, produisent à bas prix la plupart des marchandises que nous consommons dans nos pays dits développés. Car ce n'est bien entendu par leur population qui dispose des moyens de s'acheter le dernier gadget à la mode.

- En conséquence, les salariés des pays développés consacrent une très grande partie de leurs revenus à acheter des produits d'importation.

- Résultat : les entreprises locales se retrouvent en sur stockage d'invendus et prennent des mesures de chômage technique (ou pire, ferment carrément nombre de sites de production).

- Le chômage technique est financé par les caisses sociales (80 % du salaire mensuel, ce qui, au passage, réduit d'autant le pouvoir d'achat).

- Pour maintenir à flot ces caisses, la pression fiscale augmente. Les entreprises râlent, les salariés râlent, alors que les responsables d'entreprises exotiques et les boursicoteurs se frottent les mains.

En résumé, c'est l'ensemble de la planète qui s'appauvrit pour le seul profit d'une infime minorité.

Avec ce genre de comportement, nous sommes ainsi de plus en plus plongés dans un système de type féodal où une sorte d'élite dirigeante, remplaçant la noblesse d'antan, tente de soumettre un "petit peuple", qu'elle voudrait corvéable à merci.

En bref, le Moyen Âge…