Knowledge is a deadly friend when no one sets the rules. The fate of all mankind I see is in the hands of fools. King Crimson - Epitaph (1969)

Crise et manipulation

Écrit par Paul Renard. Publié dans Humeurs du moment

Aujourd'hui, j'ai un copain qui est venu chez moi. Chef de TPE, écrasé par le RSI, les taxes diverses et, après 42 ans d'activités, il aura une retraite de moins de 1000 € en ayant cotisé toute sa vie. Il est vrai aussi qu'il a bien vécu grâce à son entreprise. Chacun sa vie. Mais là où ça dérive, c'est sur l'évolution de sa pensée.

Pour lui, les salariés Français ne travaillent pas plus de trois heures par jour, profitent du système, l'immigration crée problème, etc. Dès lors qu'on entame un dialogue avec lui, il en vient à traiter son interlocuteur de socialiste, ce qui, en ce qui me concerne, ne me dérange pas. En bref, il regarde trop les infos de TF1. Dans la discussion, nous avons évoqué la situation à Chypre, où l'Europe impose une taxation des comptes courants. Pour lui, c'est normal : les Chypriotes, tout comme les Grecs, les Espagnols, les Portugais, les Italiens, et bien sûr les habitants des pays de l'Est entrés dans l'Europe, ne sont que des magouilleurs responsables de la crise mondiale. Un discours de zinc de bistrot, qu'utilise sans vergogne l'extrême droite (tout comme les Allemands dans les années 30, avec le résultat qu'on sait…). Les Chypriotes ne sont pas des magouilleurs, ce sont des gens qui font ce qu'ils peuvent dans un pays, paradis fiscal, où les fonds de la mafia russe sont légion. Taxer ces dépôts, pourquoi pas ? Mais pourquoi prélever les populations ? Comment, dans ces conditions, comprendre l'Europe ? Et, pour aller plus loin, que se passerait-il si "Bruxelles" décidait de taxer TOUS les comptes courants européens, y compris Français ? Tout cela pour compenser les ravages de la spéculation boursière, vraie responsable de la crise internationale qui nous touche. Car, lorsqu'une entreprise délocalise en Chine ou ailleurs, mettant sur le carreau des centaines de salariés, que se passe t'il ? C'est simple : les entreprises et les salariés restant sur place payent les pots cassés, puisque ce sont eux qui financent le chômage ! C'est de l'économie de base : pour maintenir la protection sociale dont la France peut être fière, il faut bien trouver des cotisants. Alors ce n'est pas un problème de "coût du travail", de charges insupportables, de 35 heures, ou d'arguments du même ordre, c'est purement un problème de juste répartition de la richesse. Facile de "dégraisser", de délocaliser, de faire plus de bénéfices, quand ce sont les autres qui payent l'addition ! Qu'on ne s'étonne pas dès lors que les populations commencent à "péter les plombs", s'indigner, devant tant d'injustice, devant tant de désinvolture, devant ces évadés fiscaux qui pleurent en buvant leur cocktails sur leurs yachts, ou dans leur isba. Si rien n'est fait dans les années à venir pour empêcher la finance mondiale, tenue par une poignée de multi milliardaires, alors oui, nous allons soit vers des guerres civiles, voire, si les milliardaires gagnent cette compétition, une guerre mondiale. La vérité, c'est que le système capitaliste est exsangue. Depuis les années 90 l'équilibre est rompu : alors que la base du système est que la part de valeur ajoutée accordée aux salariés en location de leur temps de travail doit leur permettre d'acheter les produits qu'il produisent, la spéculation a imposé des rendements démentiels, créé de la pauvreté dans le monde entier au profit de quelques-uns. Car ce ne sont pas les ouvriers Chinois incapables de s'acheter ces produits avec leur salaire de misère qui consomment, mais bien nous. Pour conclure, comme le disait Gandhi : "le monde sera toujours assez grand pour satisfaire les besoins de tous, mais il sera toujours trop petit pour satisfaire les besoins de quelques-uns".